JUGEMENT
LeHard Discounter ALLEMAND LIDL connait aussi le HARCELEMENT
Article de Christelle Chabaud paru dans L’Humanité le 28 novembre 2006
mardi 28 novembre 2006
En s’appuyant sur des témoignages accablants, le syndicat allemand Ver. Di a sorti cet été un ouvrage sur les pratiques peu avouables du hard discounter.
«LIDL a détruit ma réputation, j’étais et je suis innocente. » Ancienne employée dans un magasin du hard discounter en Saxe ALLEMAGNE Annette M. n’a toujours pas recouvré un travail. Avec treize ans d’ancienneté, elle croyait avoir trouvé une stabilité professionnelle. Mais quelques billets volontairement retirés dans son tiroir-caisse par un de ses managers ont débouché sur une accusation de vol, une faute grave et un licenciement sans préavis... « Je n’étais plus assez rentable. Et même si le tribunal m’a donné raison en forçant Lidl à retirer ses accusations, je reste salie. » Durant l’été 2005, Sven P. a essuyé le même style d’attaques. Lui était responsable d’un supermarché près de Berlin. « On m’a limogé parce que j’avais refusé de forcer d’anciennes employées à mettre fin à leur contrat », explique le trentenaire.
Ces deux témoignages ouvrent « le Livre noir de Lidl Europe », une étude publiée cet été par le syndicat allemand Ver. Di. Tout juste promu premier groupe européen de hard discount en termes de croissance, Lidl a atteint, début 2006, 7 500 magasins dans 23 pays européens. L’occasion pour le syndicaliste Andreas Hamann de montrer que, par-dessus ses stratégies de développement, l’enseigne détenue par le groupe Schwarz exporte une culture d’entreprise fondée sur le harcèlement moral, des conditions de travail dégradantes et une pression incessante sur ses 90 000 salariés européens... Car de Finlande en Italie, d’Espagne en Pologne, nombre de témoignages d’employés, recensés dans l’ouvrage d’Andreas Hamann, attestent du management « made in Lidl ». Au Portugal par exemple, un ancien directeur de magasin aujourd’hui employé au siège social du groupe allemand, Olaf Arnaschus, avait interdit à ses employées de tomber enceintes sous peine de rupture de contrat. Un salarié de Lidl en Pologne dénonce les propos « vulgaires et offensants » employés par la direction contre le personnel. Dans un magasin de la banlieue de Stockholm, divers témoignages évoquent la « terreur psychologique » sur le lieu de travail.
Ses études à peine terminées, Angelika M. a été employée par Lidl comme manager stagiaire avant d’être envoyée en formation en Irlande. Elle a tenu deux mois, pas un jour de plus. Aujourd’hui dans le livre, elle raconte son expérience. « Dès le premier jour, on nous a fait attendre pendant des heures pour nous faire comprendre qu’il valait mieux avoir du personnel docile. Puis, on a fini par nous donner un « programme d’entraînement » dans lequel j’étais chaque mois affectée dans des magasins différents. Cela m’a surprise car, dès mon premier entretien d’embauche au siège en Allemagne, j’avais expliqué que je ne souhaitais pas être mobile dans mon travail. Mais Lidl souhaitait que je m’endurcisse. Chez Lidl, ils croient que la motivation des gens au travail passe par l’intimidation et les menaces. »
« Il est souvent exigé au personnel de faire des heures supplémentaires non rémunérées. Les inventaires sont souvent faits les week-ends, parfois jusqu’au milieu de la nuit. On assène aux responsables des rayons que, pour que le travail soit bien fait, il faut savoir mettre le maximum de pression sur les assistants. J’ai personnellement assisté à une réunion où l’on faisait faire des exercices aux managers pour les entraîner à faire des provocations orales. Il était également expliqué les bonnes manières pour remettre le personnel à sa place. Inspection de casiers, caméras cachées, inspections nocturnes (afin de vérifier que le magasin a bien été nettoyé, que tout a été correctement fermé), contrôles de caisse inopinés... »
Un ancien manager de Lidl en Catalogne
Extrait de The black book on Lidl in Europe.